Si un homme moderne se promène dans une galerie de peintures baroques, il reste souvent bouche-bée devant « l’éducation de Jupiter » ou « Tisbe et je ne sais qui ». Fort peu de gens connaissent les origines gréco-antiques des thèmes représentés. Ainsi nous traversons les salles feignant une « mine de connaisseur ». Pourquoi n’en serait-il pas ainsi pour la musique de cette époque ? En effet aucune musique n’est aussi incompréhensible que celle d’un Gaultier ou Mouton. Certainement, les « experts » me toiseront avec dédain, mais aucun n’a réussi jusqu’à présent de m’enthousiasmer pour cette musique ; passons sous silence mes propres essais maladroits. Ceci a changé avec l’enregistrement de Claire Antonini. On découvre à notre grande surprise qu’il y a des mondes entre le vieux Gaultier et par exemple Gallot. Ceci ne peut pas s’expliquer – comme le remarque Joël Dugot dans le livret – par le « style brisé » (qu’est-ce qui est donc brisé, demande-t-il), mais c’est plus différentié. Si cette musique (comme on dit toujours) a un rapport avec le langage, il serait évident que quelqu’un de francophone serait prédestiné de l’interpréter, non seulement pour elle-même, mais aussi pour ce qu’elle véhicule. Ainsi il ne faut pas beaucoup de fantaisie pour sentir dans l’interprétation de Claire l’atmosphère et les conversations des salons parisiens. On entend des remarques suffisantes sur la dernière aventure amoureuse du père des dieux, Zeus, faites à mi-voix ou bien on sourit avec indulgence quand Pan poursuit une petite nymphe, on chuchote, on rit, mais tout avec discrétion et élégance. La sarabande du vieux Gaultier nous met la larme à l’œil en écoutant l’histoire du sort d’Io. La chaconne nous fait revivre le voyage des Argonautes. Cette dernière pièce est d’ailleurs très proche de Reusner, par exemple de sa chaconne en ré-majeur. La sonorité de l’enregistrement n’a que peu en commun avec le son susurré du luth comme on l’entend souvent. On croit plutôt entendre un instrument à clavier, mais on remarque vite la différence fondamentale entre le clavecin et le luth. On comprend pourquoi les clavecinistes essayaient en vain d’atteindre la sonorité du luth et ses possibilités expressives. Joël Dugot se réfère à une enquête selon laquelle peu de luthistes français jouent du luth baroque et se tournent encore moins vers ce répertoire... Ceci devrait être un appel à s’occuper plus des vieux maîtres français. Le CD de Claire Antonini peut en tout cas nous y inciter, soit simplement d’écouter, soit d’essayer soi-même l’une ou l’autre pièce. Joachim Domming (Lauten-info 2007) Traduction Ursula Kurz
Lute News Avril 2010, Bulletin de l'English Lute Society
Quatuors de LuthsLes Luths Consort (JF.Deruy, M.Henry, L.Loredo, V.Maurice)Société Française de Luthref : SFL 08022008 – 63’20
Voici le deuxième enregistrement publié par la Société Française de Luth. Disons-le d’emblée : ne perdez pas votre temps à lire cet article et procurez-vous ce CD d’urgence ! Si malgré tout vous désirez être convaincu, sachez que « Les Luths Consort » est un de ces rares ensembles permanents qui se consacrent à la musique pour plusieurs instruments de la famille des luths. L’enregistrement nous fait voyager à travers 3 pays où la pratique du luth en ensemble a laissé le plus de traces, c'est-à-dire : l’Angleterre, les Flandres et l’Italie. Nous entendons les rares exemples de musique à plusieurs luths qui nous sont parvenus mais qui témoignent d’une pratique très courante à cette époque où l’improvisation occupait une grande place. Il s’agit des œuvres de N.Vallet, G.A Terzi, Pacoloni, Adriaensen et Piccinini. Mais, nos quatre compères sont allés à la recherche de beaucoup d’autres musiques de la même époque qu’ils ont su adapter merveilleusement à leurs instruments. On retrouve dans leur exécution, toute l’expérience acquise par chacun d’entre eux dans le domaine de la musique de danse ou des diminutions improvisées, et le plaisir qu’ils éprouvent à jouer ensemble est vraiment perceptible. L’interprétation, le style, la qualité du son, l’équilibre entre les instruments, leur situation spatiale et la prise de son se situent au-dessus de toute critique. Si vous désirez offrir à un ami un enregistrement de votre instrument préféré, ce CD est définitivement le bon choix. Que dire de plus ? Sinon que je vous assure ne percevoir quelque pourcentage que ce soit sur la vente de ce CD !!
J.L. Nicolet
Geluit-Luthinerie (Bulletin belge) 06/08
CDLes Luths Consort, Quatuors de LuthsJ.F. Deruy, M. Henry, L. Loredo, V. Maurice, SFL réf. 0802, 2008, 63'20, 16 euros port compris.
Les Luths Consort nous invitent à un voyage européen qui se focalise surtout autour de l'Angleterre, des Pays-Bas et de l'Italie, quoique ces distinctions ne soient pas toujours claires. Ainsi, si Lassus est originaire du Nord, sa madonna mia pietà est mise pour trois luths par le luthiste des Pays-Bas Adriansen. mais celui-ci n'arrange-t-il pas les pièces vocales de manière italienne ? Trois pays. trois styles et trois esthétiques sonores que le groupe veut en adéquation avec la musique. Le livret signé par Joël Dugot fait le tour de la problématique des ensembles de luths dont les sources iconographiques et littéraires font largement écho, malgré le peu de sources musicales qui nous sont parvenues. L'ensemble nous donne à entendre l'intégrale de Vallet, éditée, mais aussi des arrangements qui pourraient avoir été réalisés à l'époque.
L'art de la diminution donne des textures parfois imbriquées comme dans les pièces anglaises ou les luths médians prennent une plus grande importance, mais ce qui ne serait pas possible avec des flûtes par exemple, est bienvenu avec le timbre plus aérien des luths. Les pièces italiennes sont plus contrastées avec un aigu plus présent et un choix plus divers des timbres, tandis que les pièces de Vallet restent plus homogènes. Un choix délibéré de l'ensembfe tout comme le souci de spatialisation. Le style concertant d'une pièce comme la canzone de Terzi l'exige même à la manière de Gabrieli.
Un très beau CD que nous vous recommandons vivement et qui fait revivre un monde que les sources iconographiques laissaient muettes.
"Guitare Classique" - Novembre-Décembre 2008