Le luth

par Joël Dugot



LE LUTH DANS LE MONDE


Le luth existe sous des formes variées dans tous les pays du monde depuis la plus haute antiquité. Tous les instruments se composant d’une caisse de résonance hémisphérique, ovale ou piriforme, et d’un manche plus ou moins long sur lequel se tendent des cordes que l’on pince, peuvent se ranger dans la famille des luths.D’un point de vue encore plus général, l’organologie moderne, depuis Curt Sachs, considère que tout intrument décrit comme ci-dessus, est un luth, que les cordes en soient frottées(exemple: le violon) ou pincées.


ORIGINE DU LUTH OCCIDENTAL

On trouve des traces du luth dans les civilisations babyloniennes et hittites, ainsi que chez les Egyptiens et dans l’Asie antique. Le musée archéologique du Caire conserve un petit luth à manche long, trouvé dans une sépulture datant de 1500 avant JC (voir photo ci-dessous). On admet généralement que le luth oriental à manche court se serait répandu depuis l’actuel Irak jusqu’en Asie, vers le IVe siècle. On en trouve aussi des traces dans la civilisation grecque puis gallo-romaine (Sarcophage conservé au musée archéologique d’Arles, voir ci-dessous). A ce titre, les luths traditionnels chinois et japonais actuels (voir photo ci-dessous), avec leur construction monoxyle et leur caisse très plate, pourraient donner une idée de ce que fut le luth arabe de la culture arabo-andalouse (VIe siècle). Mais il existe encore d’autres types. Ainsi, les coptes égyptiens de religion chrétienne, utilisaient vers le troisième siècle de petits luths entièrement sculptés dans une pièce de bois. Le luth tel que nous le connaissons est beaucoup plus tardif. Il trouve cependant son origine dans l’instrument de la culture arabo-andalouse, sans que l’on puisse savoir avec précision qui, des arabes ou des européens, eut l’idée de remplacer la construction monoxyle par des pièces légère (les côtes) ajustées et collées ensemble. Le luth arabe “Al Ud” (le bois) est bien sûr à l’origine du vieux français “lut” (luc, lutz, etc.). D’ailleurs, le mot “luthier” est toujours utilisé de nos jours pour désigner un facteur d’instruments à cordes, indique combien fut profonde la marque de notre instrument.





LE LUTH EN EUROPE

Dès le Moyen-Age, le luth fut apprécié au point de devenir le symbole de la musique dans le monde occidental à l’instar de la lyre antique. Sa sonorité délicate le prédispose aux "concerts célestes" (peintures), touchés par les anges musiciens (Memling) ou encore le Roi David. On pinçait alors les cordes au moyen d’un plectre, ce qui produisait un jeu monodique (une seule corde à la fois). Vers la fin du XVe siècle, le plectre fut remplacé progressivement par les doigts, technique qui contribua de façon décisive, à l’essor de la polyphonie instrumentale. Sur le plan de sa conception, le luth est considéré comme un instrument “parfait”. Le théoricien flamand Tinctoris écrit en 1487 que les luthistes “sont seuls à pouvoir jouer non seulement une ou deux voix, mais trois ou quatre à la fois, ce qui est fort difficile”. Cette réflexion atteste du caractère expérimental du luth en matière de polyphonie instrumentale. Le luth reste à cette époque un instrument aristocratique, symbole de raffinement et même de volupté. Chaque souverain a ses luthistes attitrés, et certains sillonnent déjà les cours européennes. Malheureusement, il ne reste aucune trace écrite de leur musique.


APPARITION DE LA TABLATURE

L’apparition à peu près simultanée de la tablature en Italie, en Allemagne et en France va heureusement combler cette lacune. Le premier livre de tablature pour luth fut Intabulatura de Lauto de Francesco Spinacino, imprimé par Ottavio Petrucci à Venise en 1507.
En 1511, c’est au tour de l’allemand Sebastian Virdung, de publier Musica getutscht, qui contient une pièce en tablature allemande. Le français Pierre Attaingnant fut le premier à publier un livre de musique pour luth en France la Tres breve et familiere introduction éditée en 1529 à Paris contenant 39 pièces. Les années 1536 à 1550 voient en Italie une floraison exceptionnelle de livres de tablatures pour luth comprenant des transcriptions de messes et de motets, de chansons françaises, de madrigaux italiens, mais aussi des danses - premiers exemples de pièces groupées par tonalité - embryon de la “suite” instrumentale, des fantaisies, des préludes et des ricercares (voir les exemples de tablatures plus bas).